Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/70

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C’est un tigre affamé de sang
Que ce brave comte de Maure ;
Quand il combat au premier rang,
C’est un tigre affamé de sang.
Mais il n’y combat pas souvent,
C’est pourquoi Condé vit encore.
C’est un tigre affamé de sang
Que ce brave comte de Maure.

Il est d’une touche fine, poétique, et de la plus aimable causticité2. Le commerce d’un homme comme Saint-Évremond devoit être d’un agrément inappréciable pour le duc d’Enghien. Aussi le prince accorda-t-il au gentilhomme son estime et son amitié ; il le chargea même, avec confiance, des affaires les plus importantes.

Ayant recouvré la santé, le duc d’Enghien revint en France et reparut à la cour : on sait l’accueil qu’il y reçut, et l’état dans lequel il trouva les esprits. Le mois de mai revenu (1646), il ne souhaita point retourner en Allemagne. Il aima mieux aller servir en Flandre, en qualité de lieutenant général du duc d’Orléans, Gaston : prince à qui étoit venue tard l’ambition de la gloire militaire, mais qui, à la tête d’une armée excellente, où servoient La Meilleraye, Gassion et Rantzaw, avoit eu des succès dans les campagnes de 1644–45, et qui s’en promettoit de nouveaux, pour celle de 1646. Saint-Évremond assistoit à l’entretien que les deux grands capitaines du siècle eurent ensemble, à Paris, au moment de retourner à leurs armées, et il a rendu compte des conseils que Turenne donna au jeune duc, en



2. Voy. dans Tallemant, III, pag. 161 et suiv., les autres Triolets qui sont de Bachaumont et de Bautru.