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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/106

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Rome particulièrement, où les citoyens avoient paru criminels, quand ils s’étoient attirés une estime trop favorable.

Ce nouveau génie, qui succédoit au bien public, anima les Romains assez longtemps aux grandes choses, et les esprits s’y portoient avec je ne sais quoi de vif et d’industrieux, qu’ils n’avoient pas eu auparavant : car l’amour de la patrie nous fait bien abandonner nos fortunes et nos vies même pour son salut : mais l’ambition et le désir de la gloire excitent beaucoup plus notre industrie, que cette première passion, toujours belle et noble, mais rarement fine et ingénieuse.

C’est à ce génie qu’on a dû la défaite d’Annibal et la ruine de Carthage ; l’abaissement d’Antiochus, la conquête et l’assujettissement de tous les Grecs : d’où l’on peut dire avec raison qu’il fut avantageux à la république pour sa grandeur, mais préjudiciable pour sa liberté.

Enfin, on s’en dégoûta comme on avoit fait de l’amour de la république. Cette estime, cette inclination si noble, pour les hommes de vertu, sembla ridicule à des gens qui ne voulurent rien considérer qu’eux-mêmes. L’honneur commença de passer pour une chimère, la gloire pour une vanité toute pure, et chacun se rendit bassement intéressé, pensant devenir judicieusement solide.