Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/134

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du silence cachoit de méchantes intentions. On observoit la joie comme une espérance conçue de la mort du prince : la tristesse étoit remarquée comme un chagrin de sa prospérité, ou un ennui de sa vie. Au milieu de ces dangers, si le péril de l’oppression vous donnoit quelque mouvement de crainte, on prenoit votre appréhension pour le témoignage d’une conscience effrayée, qui se trahissant elle-même, découvrait ce que vous alliez faire, ou ce que vous aviez fait. Si vous étiez en réputation d’avoir du courage ou de la fermeté, on vous craignoit comme un audacieux, capable de tout entreprendre. Parler, se taire, se réjouir, s’affliger ; avoir de la peur ou de l’assurance ; tout étoit crime, et attiroit bien souvent les derniers supplices.

Ainsi, les soupçons d’autrui vous rendoient coupable. Ce n’étoit pas assez d’essuyer la corruption des accusateurs, les faux rapports des espions, les suppositions de quelque délateur infâme ; vous aviez à redouter l’imagination de l’empereur ; et, quand vous pensiez être à couvert par l’innocence, non-seulement de vos actions, mais de vos pensées, vous périssiez par la malice de ses conjectures. Pour ne pousser pas la chose plus avant, il y avoit beaucoup de mérite à être homme de bien ; car il y avoit beaucoup de danger à l’être. La vertu qui