Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/135

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osoit paroître étoit infailliblement perdue ; et celle qu’on pouvoit deviner n’étoit jamais assurée. Comme on n’est pas exempt d’embarras dans le mal qu’on fait endurer aux autres, Tibère ne fut pas toujours tranquille dans l’exercice de ses cruautés. Séjan, qui s’avança dans ses bonnes grâces par des voies aussi injustes que les siennes ; ce grand favori, las d’honneurs et de biens qui le laissoient toujours dans la dépendance, voulut s’affranchir de toute sujétion et n’oublia rien pour se mettre insensiblement à la place de son maître. Instruit des maximes de l’empereur, et devenu savant en son art, il lui enlève ses enfants par le poison ; et il étoit sur le point de se défaire de lui, quand ce prince revenu de son aveuglement, comme par miracle, garantit ses jours malheureux, et fait périr ce grand confident qui le vouloit perdre. Sa condition n’en fut pas plus heureuse qu’auparavant : il vécut odieux à tout le monde et importun à lui-même ; ennemi de la vie d’autrui et de la sienne. Enfin, il mourut à la grande joie des Romains, n’ayant pu échapper à l’impatience d’un successeur qui le fit étouffer dans une maladie dont il alloit revenir.

J’ai fait quelquefois réflexion sur la différence qu’il y a eu de la république à l’empire ; et il me paroît qu’il n’eût pas été moins doux de