Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/160

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nous dérobent les vrais objets, pour mettre en leur place de belles idées. Ce que l’on peut dire en sa faveur, c’est que peut-être il nous oblige davantage qu’il n’eût fait en nous donnant des choses grossières, dont la vérité n’importe plus.

Salluste, d’un esprit assez opposé, donne autant au naturel que Tacite à la politique. Le plus grand soin du premier, est de bien connaître le génie des hommes : les affaires viennent après naturellement, par des actions peu recherchées de ces mêmes personnes qu’il a dépeintes.

Si vous considérez avec attention l’éloge de Calilina, vous ne vous étonnerez ni de cet horrible dessein d’opprimer le sénat, ni de ce vaste projet de se rendre maître de la république, sans être appuyé des légions. Quand vous ferez réflexion sur sa souplesse, ses insinuations, son talent à inspirer ses mouvements et à s’unir les factieux ; quand vous songerez que tant de dissimulations étoient soutenues par tant de fierté où il étoit besoin d’agir, vous ne serez pas surpris qu’à la tête de tous les ambitieux et de tous les corrompus, il ait été si près de renverser Rome, et de ruiner sa patrie.

Mais Salluste ne se contente pas de nous dépeindre les hommes dans les éloges, il