Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes, que la nature avoit exposé en vue celles qui plaisoient, et caché au fond de son âme ce qui pouvoit donner de l’aversion. Je n’ai jamais vu un air si noble que le sien. Toute sa personne étoit agréable, et il faisoit tout ce qu’on pouvoit faire d’un esprit médiocre, pour la douceur de la conversation et pour les plaisirs. Une légère habitude le faisoit aimer : un profond commerce ne s’entretenoit pas longtemps sans dégoût, peu soigneux qu’il étoit de ménager votre amitié, et fort léger en la sienne.

Dans cette nonchalance pour ses amis, les habiles gens se retiroient sans éclat, et ramenoient la familiarité à une simple connoissance ; les plus tendres se plaignoient de lui, comme d’une maîtresse ingrate dont ils ne pouvoient se détacher. Ainsi, les agréments de sa personne le soutenoient malgré ses défauts, et trouvoient encore des sentiments pour eux en des âmes irritées. Pour lui, il vivoit avec ses amis, comme la plupart des maîtresses avec leurs amants. Quelque service que vous lui eussiez rendu, il cessoit de vous aimer, quand vous cessiez de lui plaire : dégoûté comme elles d’une ancienne habitude, et sensible aux douceurs d’une nouvelle amitié, comme sont les dames aux délicates tendresses d’une passion naissante.

Cependant, il laissoit les vieux engagements