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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/217

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rier pour les partis, si brusque à charger les arrière-gardes, craignoit un engagement entier : occupé de la pensée des événements, lorsqu’il falloit agir plutôt que penser.

Quelquefois nous donnons tout aux qualités, sans avoir égard à ce que l’humeur y mêle du sien. Quelquefois nous donnons trop à l’humeur, et ne considérons pas assez le fond des qualités. La rêverie de M. de Turenne, son esprit retiré en lui-même, plein de ses projets et de sa conduite, l’ont fait passer pour timide, irrésolu, incertain, quoiqu’il donnât une bataille avec autant de facilité que M. de Gassion alloit à une escarmouche ; et le naturel ardent de monsieur le prince l’a fait croire impétueux dans les combats, lui qui se possède mieux dans la chaleur de l’action qu’homme du monde ; lui qui avoit plus de présence d’esprit à Lens, à Fribourg, à Nordlingue et à Senef, qu’il n’en auroit eu peut-être dans son cabinet.

Après un si long discours sur la connoissance des hommes, je dirai que nos historiens ne nous en donnent pas assez, faute d’application, ou de discernement pour les bien connoître. Ils ont cru qu’un récit exact des événements suffisoit pour nous instruire, sans considérer que les affaires se font par des hommes que la passion emporte plus souvent que la politique ne les conduit. La prudence gouverne les sages,