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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/219

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l’amour de la liberté fait la première vertu des citoyens, et la jalousie qu’elle inspire établit la principale politique de l’État. Lassés que sont les hommes des peines, des embarras, des périls qu’il faut essuyer pour vivre toujours dans l’indépendance, ils suivent quelque ambitieux qui leur plaît, et tombent aisément d’une liberté fâcheuse dans une agréable sujétion. Il me souvient d’avoir dit souvent en Hollande, et au pensionnaire même16, qu’on se mécomptoit sur le naturel des Hollandois. On se persuade que les Hollandois aiment la liberté, et ils haïssent seulement l’oppression. Il y a chez eux peu de fierté dans les âmes, et la fierté de l’âme fait les véritables républicains. Ils appréhenderoient un prince avare, capable de prendre leur bien ; un prince violent, qui pourroit leur faire des outrages : mais ils s’accommodent de la qualité de prince avec plaisir. S’ils aiment la république, c’est pour l’intérêt de leur trafic, plus que par une satisfaction qu’ils aient d’être libres. Les magistrats aiment leur indépendance, pour gouverner des gens qui dépendent d’eux : le peuple reconnoît plus aisément l’autorité du prince que celle des magistrats. Lorsqu’un prince d’Orange a voulu surprendre Amsterdam, tout s’est déclaré pour les bourg-


16. M. de Witt.