Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/239

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trants. On perd beaucoup de ne le comprendre pas assez nettement ; et il ne perd pas moins de n’être pas assez expliqué aux autres. La nature lui a donné le grand sens, la capacité, le fond du mérite, autant qu’à homme du monde ; et lui a dénié ce feu du génie, cette ouverture, cette liberté d’esprit, qui en fait l’éclat et l’agrément. Il faudra le perdre, pour connoître bien ce qu’il vaut, et il lui coûtera la vie, pour se faire une juste et pleine réputation.

La vertu de Monsieur le Prince n’a pas moins de lumière que de force : elle est funeste aux ennemis, qui en ressentent les effets, et brillante pour ceux qui en tirent les avantages ; mais à dire la vérité, elle a moins de suite et de liaison que celle de M. de Turenne, ce qui m’a fait dire, il y a longtemps, que l’un est plus propre à finir glorieusement des actions, l’autre à terminer utilement une guerre. Dans le cours d’une affaire, on parle plus avantageusement de ce que fait Monsieur le Prince ; l’affaire finie, on jouit plus longtemps de ce que M. de Turenne a fait.

J’ajouterai encore cette différence : M. de Turenne est plus propre à servir un roi qui lui confiera son armée ; Monsieur le Prince à commander la sienne, et à se donner de la considération par lui-même.