Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/263

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rend : ravi de trouver une si belle occasion de faire paroître son savoir et son esprit. Il toussa trois fois, avec méthode, se tournant vers le docteur ; trois fois il sourit, en homme du monde, à notre agréable ignorant ; et lorsqu’il crut avoir assez bien composé sa contenance : digitis gubernantibus vocem8 il parla de cette sorte :

« Je vous dirai, messieurs, je vous dirai que la science fortifie la beauté du naturel ; et que l’agrément et la facilité de l’esprit donnent des grâces à l’érudition. Le génie seul, sans art, est comme un torrent qui se précipite avec impétuosité. La science, sans naturel, ressemble à ces campagnes sèches et arides, qui sont désagréables à la vue. Or, messieurs, il est question de concilier ce que vous avez divisé mal à propos ; de rétablir l’union où vous avez jeté le divorce. La science n’est autre chose qu’une parfaite connoissance : L’art n’est rien qu’une règle qui conduit le naturel. Est-ce, monsieur (s’adressant au Commandeur), que vous voulez ignorer les choses dont vous parlez, et faire vanité d’un naturel qui se dérègle,


8. Expression de Pétrone, au sujet de Circé ; chap. cxxvii. (éd. de Burmann). Suétone remarque que Tibère parloit avec des gestes mous et efféminés : nec sine molli quadam digitorum gesticulatione. In Tiberio, cap. 98. (Des Maizeaux.)