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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/280

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Il y a une force naturelle dans le discours de Plutarque, qui égale les plus grandes actions ; et c’est de lui proprement qu’on peut dire : facta dictis exæquata sunt. Mais il n’oublie ni les médiocres, ni les communes ; il examine avec soin le train ordinaire de la vie. Pour ses Comparaisons, que Montaigne a trouvées si admirables5, elles me paroissent véritablement fort belles ; mais je pense qu’il pouvoit aller plus avant, et pénétrer davantage dans le fond du naturel. Il y a des replis et des détours en notre âme qui lui sont échappés. Il a jugé de l’homme trop en gros : il ne l’a pas cru si différent qu’il est de lui-même : méchant, vertueux, équitable, injuste, humain et cruel ; ce qui lui semble se démentir, il l’attribue à des causes étrangères. Enfin, s’il eût défini Catilina, il nous l’eût donné avare ou prodigue : cet alieni appetens, sui profusus, étoit au-dessus de sa connoissance, et il n’eût jamais démêlé ces contrariétés, que Salluste a si bien séparées, et que Montaigne lui-même a beaucoup mieux entendues.

Sur Pétrone.

I. Pour juger du mérite de Pétrone, je ne veux que voir ce qu’en dit Tacite6 ; et sans


5. Essais, liv. II, ch. xxxii.

6. Tacite, Annal., lib. XVI, cap. xviii-xix. Saint--