Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’une chose passoit pour grossière, quand elle n’avoit pas son approbation. Cette cour étoit comme une école de voluptés recherchées, où tout se rapportoit à la délicatesse d’un goût si exquis. Je crois même que la politesse de notre auteur devint pernicieuse au public, et qu’il fut un des principaux à ruiner des gens considérables, qui faisoient une profession particulière de sagesse et de vertu. Il ne prêchoit que la libéralité à un Empereur déjà prodigue, la mollesse à un voluptueux. Tout ce qui avoit une apparence d’austérité, avoit pour lui un air ridicule.

Selon mes conjectures, Thraséas eut son tour, Helvidius le sien ; et quiconque avoit du mérite sans l’art de plaire, n’étoit pas fâcheux impunément. Dans cette sorte de vie, Néron se corrompoit de plus en plus ; et comme la délicatesse des plaisirs vint à céder au désordre de la débauche, il tomba dans l’extravagance de tous les goûts. Alors Tigellin, jaloux des agréments de Pétrone et des avantages qu’il avoit sur lui dans la science des voluptés, entreprit de le ruiner : quasi adversus semulum et scientia voluptatum potiorem14. Ce ne lui fut pas une chose mal aisée, car l’Empereur, abandonné comme il étoit, ne pouvoit plus



14. Tacite, loc. cit.