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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/305

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daspe, si étrange qu’il se laisse à peine concevoir : une grande armée de l’autre côté, avec des chariots terribles et des éléphants alors effroyables ; des éclairs, des foudres, des tempêtes qui mettoient la confusion partout, quand il fallut passer un fleuve si large sur de simples peaux ; cent choses étonnantes qui épouvantèrent les Macédoniens, et qui surent faire dire à Alexandre qu’enfin il avoit trouvé un péril digne de lui ; tout cela devoit fort élever l’imagination du poëte, et dans la peinture de l’appareil, et dans le récit de la bataille.

Cependant on parle à peine des camps des deux rois, à qui l’on ôte leur propre génie pour les asservir à des princesses purement imaginées. Tout ce que l’intérêt a de plus grand et de plus précieux parmi les hommes, la défense d’un pays, la conservation d’un royaume, n’excite point Porus au combat ; il y est animé seulement par les beaux yeux d’Axiane, et l’unique but de sa valeur est de se rendre recommandable auprès d’elle. On dépeint ainsi les chevaliers errants, quand ils entreprennent une aventure ; et le plus bel esprit, à mon avis, de toute l’Espagne, ne fait jamais entrer don Quichotte dans le combat, qu’il ne se recommande à Dulcinée.

Un faiseur de romans peut former ses héros