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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/310

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Thésée, tournant sur soi l’explication funeste de l’oracle, qu’il vouloit s’appliquer pour l’amour d’elle.

Mais il faut considérer Sophonisbe7, dont le caractère eût pu être envié des Romains même. Il faut la voir sacrifier le jeune Massinisse au vieux Syphax, pour le bien de sa patrie ; il faut la voir écouter aussi peu les scrupules du devoir, en quittant Syphax, qu’elle avoit fait les sentiments de son amour, en se détachant de Massinisse ; il faut la voir qui soumet toutes sortes d’attachements : ce qui nous lie, ce qui nous unit, les plus fortes chaînes, les plus douces passions, à son amour pour Carthage, à sa haine pour Rome ; il faut la voir enfin, quand tout l’abandonne, ne se pas manquer à elle-même, et dans l’inutilité des cœurs qu’elle avoit gagnés, pour sauver son pays, tirer du sien un dernier secours, pour sauver sa gloire et sa liberté.

Corneille fait parler ses héros avec tant de bienséance, que jamais il ne nous eût donné la conversation de César avec Cléopâtre8 si César eût cru avoir les affaires qu’il eut dans Alexandrie ; quelque belle qu’elle puisse être, jusqu’à rendre l’entretien d’un amoureux


7. Voy. la Sophonisbe de Corneille.

8. Voy. Pompée, act. IV. sc. iii.