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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/320

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tente est celle qui s’afflige et se mortifie au souvenir de ses fautes. De quoi fera pénitence une bonne fille qui n’aura rien fait ? Vous paroîtrez ridicule aux autres sœurs, qui se repentent avec un juste sujet, de vous repentir par pure grimace.

Voici un autre inconvénient que vous ne manquerez pas d’essuyer : c’est qu’au lieu de porter au couvent le dégoût de l’amour, le couvent vous en fera naître l’envie. Ce lieu saint change l’amour en dévotion, quand on a aimé dans le monde. Ce lieu, plus dangereux que les lieux profanes, change la dévotion en amour, quand on n’en a pas fait l’expérience. Alors, toute la ferveur de votre zèle s’étant convertie en amour, vous soupirerez inutilement pour ses plaisirs ; et, dans la difficulté de les goûter, vous vous représenterez sans cesse, pour votre tourment, la facilité que vous en aviez dans le monde. Ainsi, vous serez consumée de regrets, ou dévorée de désirs, selon que votre âme se tournera au souvenir de ce que vous avez pu faire, ou à l’imagination de ce que vous ne pourrez exécuter.

Mais ce qu’il y aura de plus étrange pour vous, dans le couvent, c’est que votre raison ne contribuera pas moins que votre passion à vous rendre malheureuse. Plus vous serez éclairée, plus vous aurez à souffrir de l’imbé-