Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/321

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cillité d’une vieille supérieure ; et les lumières de votre esprit ne serviront qu’à exciter le murmure de votre cœur. Sous une contenance mortifiée, vous aurez des sentiments révoltés ; et, obéissant à des ordres, où vous ne pourrez sincèrement vous soumettre, ni ouvertement vous opposer, vous passerez des jours malheureux dans le désespoir de votre condition, avec la grimace d’une fausse pénitente. Triste vie, ma pauvre sœur, d’être obligée à pleurer, par coutume, le péché qu’on n’a pas fait, dans le temps que vient l’envie de le faire !

Voilà le misérable état des bonnes filles qui portent au couvent leur innocence. Elles y sont malheureuses, pour n’avoir pas fait un bon fondement de leur repentir ; fondement si nécessaire aux maisons religieuses, qu’il faudra vous envoyer aux eaux, par pitié, pour vous faire, s’il est possible, quelque petit sujet de pénitence.

Soit que vous demeuriez dans le monde, comme je le souhaite, soit que vous en sortiez, comme je le crains, votre intérêt est d’accommoder deux choses qui paroissent incompatibles, et qui ne le sont pas : l’Amour et la Retenue. On vous a dit peut-être qu’il vaut mieux n’aimer point du tout que d’aimer avec cette contrainte ; mais la règle de ma retenue n’a rien d’austère, puisqu’elle prescrit seulement