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SUR LES CARACTÈRES DES TRAGÉDIES.
(1672.)

J’ai eu dessein autrefois de faire une tragédie, et ce qui me faisoit le plus peine, c’étoit de me défendre d’un sentiment secret d’amour propre, qui nous laisse renoncer difficilement à nos qualités, pour prendre celles des autres. Il me souvient que je formois mon caractère, sans y penser, et que le héros descendoit insensiblement au peu de mérite de Saint-Évremond, au lieu que Saint-Évremond devoit s’élever aux grandes vertus de son héros. Il étoit de mes passions, comme de mon caractère ; j’exprimois mes mouvements, voulant exprimer les siens. Si j’étois amoureux, je tournois toutes choses sur l’amour ; si je me trouvois pitoyable, je ne manquois pas de fournir des infortunes à ma pitié : je faisois dire ce que je sentois moi-même, et pour comprendre tout en peu de mots, je me représentais sous le nom d’autrui. N’accusons pas quelques héros de nos tragédies de verser des pleurs qui devoient couler