Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/342

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haïr la pensée de notre guérison. On l’entretient secrètement, au fond de son cœur ; et, si elle vient à se découvrir, les yeux, le silence, un soupir qui nous échappe, une larme qui coule malgré nous, l’expriment mieux que ne pourroit faire toute l’éloquence du discours.

Pour ces longues conversations de tendresse, ces soupirs poussés incessamment, ces pleurs à tout moment répandus, ils pourront se rapporter à quelque autre cause. Si l’on m’en veut croire, ils tiendront moins de l’amour que de la sottise de celui qui aime. La passion m’est trop précieuse, pour la couvrir d’une honte étrangère où elle n’a aucune part. Peu de larmes suffisent aux amants, pour exprimer leur amour ; quand ils en ont trop, ils expliquent moins leur passion que leur foiblesse. J’ose dire qu’une dame qui aura pitié de son amant, sur les discrètes et respectueuses expressions du mal qu’elle cause, se moquera de lui comme d’un misérable pleureur, s’il gémit éternellement auprès d’elle.

J’ai observé que Cervantes estime toujours, dans ses chevaliers, le mérite vraisemblable ; mais il ne manque jamais à se moquer de leurs combats fabuleux, et de leurs pénitences ridicules. Par cette dernière considération, il faut préférer Don Galaor au bon Amadis de Gaule : Porque tenia condicion muy acomo-