Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/421

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On peut disputer à Messieurs de l’Académie le droit de régler notre langue, comme il leur plaît. Il ne dépend pas des auteurs d’abolir de vieux termes, par dégoût, et d’en introduire de nouveaux, par fantaisie. Tout ce qu’on peut faire pour eux, c’est de les rendre maîtres de l’usage, lorsque l’usage n’est pas contraire au jugement et à la raison. Il y a des auteurs qui ont perfectionné les langues ; il y en a qui les ont corrompues ; et il faut revenir au bon sens, pour en juger. Jamais Rome n’a eu de si beaux esprits que sur la fin de la République : la raison en étoit qu’il y avoit encore assez de liberté, parmi les Romains, pour donner de la force aux esprits, et assez de luxe pour leur donner de la politesse et de l’agrément. En ce temps, où la beauté de la langue étoit à son plus haut point ; ce temps où il y avoit à Rome de si grands génies : César, Salluste, Cicéron, Hortensius, Brutus, Asinius Pollio, Curion, Catulle, Atticus, et beaucoup d’autres qu’il seroit inutile de nommer ; en ce temps, il étoit juste de se soumettre à leur sentiment, et de recevoir avec docilité leurs décisions. Mais lorsque la langue est venue à se corrompre, sous les empereurs, lorsqu’on préféroit Lucain à Virgile, et Sénèque à Cicéron, étoit-on obligé d’assujettir la liberté de son jugement à l’autorité de ceux qui faisoient les beaux