Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/428

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Nous pensons plus fortement que nous ne nous exprimons : il y a toujours une partie de notre pensée qui nous demeure. Nous ne la communiquons presque jamais pleinement ; et c’est par l’esprit de pénétration, plus que par l’intelligence des paroles, que nous entrons tout à fait dans la conception des auteurs. Cependant, comme si nous appréhendions de bien entendre ce que pensent les autres, ou de faire comprendre ce que nous pensons nous-mêmes, nous affoiblissons les termes qui auraient la force de l’exprimer. Mais, en dépit que nous en ayons, Vaste conservera, en françois, la véritable signification qu’il a, en latin. On dit trop vaste, comme on dit trop insolent, trop extravagant, trop avare ; et c’est l’excès d’une méchante qualité : on ne dit point assez vaste, parce que l’assez marque une situation, une consistance, une mesure juste et raisonnable ; et du moment qu’une chose est vaste, il y a de l’excès, il y a du trop : assez ne sauroit jamais lui convenir. Venons à examiner particulièrement l’Esprit vaste, puisque c’est le sujet de la question.

Ce que nous appelons l’Esprit, se distingue en trois facultés : le jugement, la mémoire, l’imagination. Un jugement peut être loué d’être solide, d’être profond, d’être délicat à discerner, juste à définir ; mais à mon avis,