Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/452

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de nouveaux désirs ; que dans l’habitude d’un commerce continuel, elle fait sentir toutes les tendresses et les douceurs d’une passion naissante : c’est la seule femme pour qui l’on puisse être éternellement constant, et avec laquelle on se donne, à toute heure, le plaisir de l’inconstance. Jamais on ne change, pour sa personne : on change à tout moment, pour ses traits ; et on goûte en quelque façon cette joie vive et nouvelle qu’une infidélité en amour nous fait sentir.

Tantôt la bouche est abandonnée pour les yeux, tantôt on abandonne les yeux pour la bouche. Les joues, le nez, les sourcils, le front, les cheveux, les oreilles même (tant la nature a voulu rendre toutes choses parfaites en ce beau corps !), les oreilles s’attirent nos inclinations à leur tour, et nous font goûter le plaisir du changement. À considérer ses traits séparés, on diroit qu’il y a une secrète jalousie entre eux, et qu’ils ne cherchent qu’à s’enlever des amants. À considérer leur rapport, à les considérer unis et liés ensemble, on leur voit former une beauté, qui ne souffre ni d’inconstance pour elle, ni de fidélité pour les autres. J’ai assez parlé des choses qui nous paroissent : devinons la perfection des endroits cachés, et disons par conjecture, que le mérite de ce qu’on ne voit point, passe de bien loin tout ce qu’on voit.