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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/459

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j’aime ; plus que mes petits secours, tout foibles qu’ils sont dans les besoins; plus que la discrétion dans le commerce et le secret dans la confidence, qu’on aille chercher ailleurs des amitiés ; la mienne ne sauroit fournir rien davantage.

Les passions violentes sont inégales, et font craindre le désordre du changement. En amour, il les faut laisser pour les Polexandres et les Cyrus, dans les Romans ; en amitié, pour Oreste et Pylade, dans les comédies. Ce sont des choses à lire et à voir représenter, qu’on ne trouve point dans le monde ; et heureusement on ne les y trouve pas, car elles y produiroient des aventures bien extravagantes.

Qu’a fait Oreste, ce grand et illustre exemple d’amitié ? qu’a-t-il fait qui ne doive donner de l’horreur ? Il a tué sa mère et assassiné Pyrrhus ; il est tombé en de si étranges fureurs, qu’il en coûte la vie aux comédiens qui tâchent de les bien représenter6. Observons avec attention la nature de ces attachements uniques qu’on vante si fort, et nous trouverons qu’ils sont formés d’une mélancolie noire qui fait


6. Montfleuri fit de si grands efforts pour jouer le rôle d’Oreste, dans l’Andromaque de Racine, qu’il tomba malade et en mourut. La même chose, à peu près, étoit arrivée à Mondori, dans une représentation de la Mariane de Tristan ; mais il n’en mourut pas : il en resta paralytique.