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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/464

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et retire ses affections sans sujet ; il s’engage sans dessein, rompt sans mesure, et produit enfin des éclats bizarres, qui déshonorent ceux qui les souffrent et ceux qui les font.

Voilà où aboutissent les amours et les amitiés fondées sur le cœur. Pour ces liaisons justes et raisonnables, dont l’esprit a su prendre la direction, il n’y a point de rupture à appréhender ; car, ou elles durent toute la vie, ou elles se dégagent insensiblement, avec discrétion et bienséance. Il est certain que la nature a mis en nos cœurs quelque chose d’aimant (si on le peut dire), quelque principe secret d’affection, quelque fonds caché de tendresse qui s’explique et se rend communiquable avec le temps ; mais l’usage n’en a été reçu et autorisé parmi les hommes, qu’autant qu’il peut rendre la vie plus tranquille et plus heureuse. C’est sur ce fondement qu’Épicure l’a tant recommandé à ses disciples ; que Cicéron nous y exhorte par ses discours, et nous y convie par des exemples ; que Sénèque, tout rigide et tout austère qu’il est, devient doux et tendre, aussitôt qu’il parle de l’amitié ; que Montagne enchérit sur Sénèque, par des expressions plus animées ; que Gassendi explique les avantages de cette vertu, et dispose ses lecteurs, autant qu’il lui est possible, à se les donner.

Toutes personnes raisonnables, tous les