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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/485

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trop occupés dans les affaires : ou pour être trop dissipés dans les plaisirs. Mme Mazarin a vécu trois ans entiers à Chambéry, toujours tranquille et jamais obscure : quelque désir qu’elle ait eu de se cacher, son mérite lui établit malgré elle un petit empire ; et en effet elle commandoit à la ville, et à toute la nation. Chacun reconnoissoit avec plaisir les droits que la nature lui avoit donnés ; et celui qui avoit les siens, par sa naissance, les eût volontiers oubliés, pour entrer dans la même sujétion où entroient ses peuples. Les plus honnêtes gens quittoient la cour, et négligeoient le service de leur prince, pour s’appliquer plus particulièrement à celui de Mme Mazarin ; et des personnes considérables des pays éloignés se faisoient un prétexte du voyage d’Italie, pour la venir voir. C’est une chose bien extraordinaire d’avoir vu établir une cour à Chambéry ; c’est comme un prodige, qu’une beauté qui avoit voulu se cacher en des lieux presque inaccessibles, ait fait plus de bruit dans l’Europe, que toutes les autres ensemble.

Les plus belles personnes de chaque nation avoient le déplaisir d’entendre toujours parler d’une absente ; les objets les plus aimables avoient un ennemi secret, qui ruinoit toutes les impressions qu’ils pouvoient faire : c’étoit l’idée de Mme Mazarin, qu’on conservoit précieuse-