Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/495

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ment du dieu des batailles, de ce dieu terrible qui commandoit d’exterminer jusqu’au dernier des ennemis, que de ce Dieu patient, doux, charitable, qui ordonne qu’on les aime ; si la création du monde est décrite avec un génie, la rédemption des hommes avec un autre ; si l’on a besoin d’un genre d’éloquence, pour prêcher la grandeur du père qui a tout fait, et d’un autre, pour exprimer l’amour du fils qui a voulu tout souffrir ; comment ne faudroit-il pas un nouvel art et un nouvel esprit, pour passer des faux dieux au véritable, pour passer de Jupiter, de Cybèle, de Mercure, de Mars, d’Apollon, à Jésus-Christ, à la Vierge, à nos anges et à nos saints ?

Ôtez les dieux à l’antiquité, vous lui ôtez tous ses poëmes : la constitution de la fable est en désordre ; l’économie en est renversée. Sans la prière de Thétis à Jupiter, et le songe que Jupiter envoie à Agamemnon, il n’y a point d’Iliade ; sans Minerve, point d’Odysée ; sans la protection de Jupiter et l’assistance de Vénus, point d’Énéide. Les dieux assemblés au ciel délibéroient de ce qui devoit se faire sur la terre ; c’étoient eux qui formoient les résolutions, et qui n’étoient pas moins nécessaires pour les exécuter, que pour les prendre. Ces chefs immortels des partis des hommes concertoient tout, animoient tout ; inspiroient