Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/496

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la force et le courage, combattoient eux-mêmes ; et à la réserve d’Ajax qui ne leur demandoit que de la lumière, il n’y avoit pas un combattant considérable, qui n’eût son dieu sur son chariot, aussi bien que son écuyer : le dieu pour conduire son javelot ; l’écuyer pour la conduite de ses chevaux. Les hommes étoient de pures machines, que de secrets ressorts faisoient mouvoir, et ces ressorts n’étoient autre chose, que l’inspiration de leurs déesses et de leurs dieux.

La divinité que nous servons est plus favorable à la liberté des hommes. Nous sommes entre ses mains, comme le reste de l’univers, par la dépendance ; nous sommes entre les nôtres, pour délibérer et pour agir. J’avoue que nous devons toujours implorer sa protection. Lucrèce la demande lui-même ; et, dans le livre où il combat la Providence, de toute la force de son esprit, il prie, il conjure ce qui nous gouverne d’avoir la bonté de détourner les malheurs :

Quod procul a nobis flectat natura gubernans ![1]

Cependant il ne faut pas faire entrer en toutes choses cette majesté redoutable, dont il

  1. Lucret. Lib. I. Voyez le Dictionnaire de Bayle, à l’article du poëte Lucrèce.