Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/511

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le faux caractère de ses dieux ; et cette agréable et judicieuse égalité de Virgile, qui sait plaire à tous les esprits bien faits, ne me cachera pas le peu de mérite de son Énée. Si parmi tant de belles choses dont je suis touché, dans Homère et dans Virgile, je ne laisse pas de connoître ce qu’il y a de défectueux ; parmi celles qui me blessent dans Lucain, pour être trop poussées, ou qui m’ennuient pour être trop étendues, je ne laisserai pas de me plaire, à considérer la juste et véritable grandeur de ses héros. Je m’attacherai à goûter mot à mot toute l’expression des secrets mouvements de César, quand on lui découvre la tête de Pompée, et rien ne m’échappera de cet inimitable discours de Labiénus et de Caton, quand il s’agit de consulter, ou de ne consulter pas, l’oracle de Jupiter Ammon, sur la destinée de la République.

Si tous les poètes de l’antiquité avoient parlé aussi dignement des oracles de leurs dieux, je les préférerois aux théologiens, et aux philosophes de ce temps-là ; et c’est un endroit à servir d’exemple, en cette matière, à tous les poëtes. Vous voyez, dans le concours de tant de peuples qui viennent consulter l’oracle d’Ammon, ce que peut l’opinion publique, où le zèle et la superstition se mêlent ensemble. Vous voyez en Labiénus, un homme pieux et sensé, qui unit à