Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/529

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Dans les transports d’une première flamme,
Vous vous nommiez et mon cœur et mon âme :
Noms vains et chers, que les jeunes amants
Savent mêler dans leurs contentements.
Jamais les nœuds d’une chaîne si sainte
N’eurent pour vous ni force ni contrainte ;
Une si douce et si tendre amitié
Ne vit jamais un tourment sans pitié.
Les seuls soupirs que l’amour nous envoie
Furent mêlés à l’excès de la joie ;
Et des plaisirs sans cesse renaissants
Remplirent l’âme et comblèrent les sens :
Doux fruits d’amour, cueillis en abondance !
Ah ! qu’aujourd’hui l’on fait bien pénitence !
Loin des appas de toute volupté,
Philis languit dans l’inutilité ;
Et pour flatter sa languissante vie,
Philis n’a pas le plaisir d’une envie.
Philis à peine oseroit désirer,
Que sa raison lui défend d’espérer.
Vous qui trouviez autrefois favorable
Ce même Dieu qui vous rend misérable,
Pour relever un courage abaissé,

Songez, hélas ! songez au temps passé.

Un maréchal, l’ornement de la France4,
Rare en esprit, magnifique en dépense,
Devint sensible à tous vos agréments,
Et fit son bien d’être de vos amants.
Ce jeune duc, qui gagnoit des batailles5,


4. Le maréchal d’Albret. Voy. sup., p. 183.

5. Le grand Condé, alors duc d’Enghien.