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CHAPITRE VI.
De la première guerre de Carthage.

La guerre de Pyrrhus ouvrit l’esprit aux Romains, et leur inspira des sentiments qui ne les avoient pas touchés encore. À la vérité, ils y entrèrent grossiers et présomptueux, avec beaucoup de témérité et d’ignorance ; mais ils eurent une grande vertu à la soutenir : et, comme ils virent toutes choses nouvelles, avec un ennemi qui avoit tant d’expérience, ils devinrent sans doute plus industrieux et plus éclairés qu’ils n’étoient auparavant. Ils trouvèrent l’invention de se garantir des éléphants, qui avoient mis le désordre dans les légions, au premier combat ; ils apprirent à éviter les plaines, et cherchèrent des lieux avantageux, contre une cavalerie qu’ils avaient méprisée mal à propos. Ils apprirent ensuite à former leur camp sur celui de Pyrrhus, après avoir admiré l’ordre et la distinction des troupes qui campoient, chez eux, en confusion. Pour les choses qui sont purement de l’esprit, quoique la harangue du vieil Appius eût fait chasser de Rome Cynéas, l’éloquence de Cynéas n’avoit pas laissé de plaire, et sa dextérité avoit été agréable.

Les présents offerts, bien que refusés, donnèrent cependant une secrète vénération pour