Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Romains se portèrent à cette guerre, il faut faire voir, en peu de mots, quel étoit alors leur génie. Leurs qualités principales furent, à mon avis, le courage et la fermeté : entreprendre les choses les plus difficiles, ne s’étonner d’aucun péril, ne se rebuter d’aucune perte. En tout le reste, les Carthaginois avoient sur eux une supériorité extraordinaire, soit pour l’industrie, soit pour l’expérience de la mer, soit pour les richesses que leur donnoit le trafic de tout le monde : quand les Romains, naturellement assez pauvres, venoient de s’épuiser, dans la guerre de Pyrrhus.

À dire vrai, la vertu de ceux-ci leur tenoit lieu de toutes choses ; un bon succès les animoit à la poursuite d’un plus grand, et un événement fâcheux ne faisoit que les irriter davantage. Il en arrivoit tout autrement, dans les affaires des Carthaginois, qui devenoient nonchalants, dans la bonne fortune, et s’abattoient aisément, dans la mauvaise. Outre le différent naturel de ces deux peuples, la diverse constitution des républiques y contribuoit beaucoup. Carthage étant établie sur le commerce, et Rome fondée sur les armes, la première employoit des étrangers, pour ses guerres, et les citoyens, pour son trafic ; l’autre se faisoit des citoyens de tout le monde, et de ses citoyens des soldats. Les Romains ne respiraient