Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les secours de Carthage commodément, et où il seroit aisé d’établir la plus considérable puissance de l’Italie. » Voilà les raisons qu’accommodoit Annibal à la disposition où il se trouvoit, et qu’il n’eût pas goûtées dans ses premières ardeurs.

En vain Maharbal lui promettoit à souper dans le Capitole. Ses réflexions, qui n’avoient que l’air de sagesse, et une fausse raison, lui firent rejeter, comme téméraire, une confiance si bien fondée. Il avoit suivi les conseils violents, pour commencer la guerre avec les Romains ; et il est retenu, par une fausse circonspection, quand il trouve l’heure de tout finir.

Il est certain que les esprits trop fins, comme étoit celui d’Annibal, se font des difficultés, dans les entreprises, et s’arrêtent eux-mêmes, par des obstacles, qui viennent plus de leur imagination que de la chose.

Il y a un point de la décadence des États, où leur ruine seroit inévitable, si on connoissoit la facilité qu’il y a de les détruire ; mais, pour n’avoir pas la vue assez nette, ou le courage assez grand, on se contente du moins, quand on peut le plus : tournant en prudence, ou la petitesse de son esprit, ou le peu de grandeur de son âme.

Dans ces conjonctures, on ne se sauve point