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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/13

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xiii
introduction

Il est donc inexact de dire que la pensée cartésienne a échoué entièrement, et que la science moderne s’en est éloignée de plus en plus. Nous voyons, au contraire, le mécanisme s’étendre de jour en jour dans la science de notre temps. Mais la question change de face, lorsqu’on vient à se demander si le mécanisme est lui-même le dernier mot de la nature, s’il se suffit à lui-même, en un mot si les principes du mécanisme sont eux-mêmes mécaniques. Or, c’est là une question toute métaphysique, et qui n’importe en rien à la science positive ; car les phénomènes s’expliqueront de la même manière, si l’on suppose une matière inerte, composée de petites particules mues et combinées par des mains invisibles, ou si on lui prête une activité intérieure et une sorte de spontanéité. Pour le physicien et pour le chimiste, les forces ne sont que des mots représentant des causes inconnues. Pour le métaphysicien, ce sont des activités véritables. C’est donc la métaphysique, et non la physique, qui s’est élevée au-dessus du mécanisme. C’est en métaphysique que le mécanisme a trouvé, non pas sa contradiction mais son complément dans la doctrine dynamiste ; c’est cette direction d’idées qui a régné principalement dans la philosophie après Descartes, et c’est Leibniz [1] qui en est le principal promoteur.

  1. Nous donnerons ici en note le résumé de la vie de Leibniz et de ses principaux travaux. Leihniz (Godefroi-Guillaume) est né à Leipzig en 1646. Il perdit son père à l’âge de six ans. Il se fit remarquer dès son enfance par une étonnante facilité. À l’âge de quinze ans, il fut admis aux études supérieures (philosophie et mathématiques), qu’il suivit d’abord à Leipzig, puis à Jéna. Une intrigue mal connue l’empêcha d’obtenir à Leipzig même le titre de docteur. Il alla le demander à la petite Université d’Altorf, près de Nuremberg, il fit la connaissance du baron de Boinebourg, qui devint l’un de ses plus intimes amis, et qui l’emmena à Francfort, où il le fit admettre comme conseiller de justice près de l’électeur de Mayence. Ce fut là qu’il fit ses deux premiers travaux de jurisprudence, sur l’Étude du droit et sur la Réforme du corps de droit. — De là datent aussi ses premiers essais littéraires et philosophiques, et, en particulier, ses deux traités sur le mouvement : l’un sur le Mouvement abstrait, adressé a l’Académie des sciences de Paris, l’autre sur le Mouvement concret, adressé à la Société royale de Londres. Il resta auprès de l’Électeur jusqu’en 1672, époque où il commença à voyager. Il alla d’abord à Paris, puis à Londres, où il fut nommé membre de la Société royale revint à Paris, qu’il ne quitta qu’en 1677, parcourut la Hollande, et vint enfin se fixer à Hanovre, où il fut nommé