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œuvres de leibniz

Pour bien comprendre la doctrine de Leibniz, il ne faut pas oublier (et c’est un point auquel on n’a pas assez tait attention) que Leibniz n’a jamais abandonné ni rejeté le mécanisme cartésien. Il a toujours affirmé que tout dans la nature doit s’expliquer mécaniquement ; qu’il ne faut jamais recourir, dans l’explication des phénomènes, à des causes occultes ; il a même poussé si loin cette disposition d’esprit qu’il s’est refusé à admettre l’attraction newtonienne comme suspecte, à ses yeux, d’être une qualité occulte. Mais si Leibniz admettait comme Descartes les applications du mécanisme, il se séparait de lui sur le principe ; et il répétait sans cesse que si tout dans la nature est mécanique, géométrie, mathématique, les sources du mécanisme sont dans la métaphysique[1]. Descartes expliquait tout géométriquement et mécaniquement, c’est-à-dire, comme l’avait fait autrefois Démocrite, par l’étendue, la figure et le mouvement ; mais il ne remontait pas au delà, et il voyait dans l’étendue l’essence même de la substance corporelle. Ce fut le trait de génie de Leibniz d’avoir vu que l’étendue ne suffisait pas à expliquer les phénomènes, et qu’elle avait besoin elle-même d’être expliquée. Nourri dans la philosophie scolastique-et péripatéticienne, il était naturellement disposé par là à accorder plus

    membre conservateur de la Bibliothèque. Il y demeure dix ans, toujours occupé de ses travaux. Il contribua à fonder les Acta eruditorum, sorte de journal des savants (1682). Il fit de 1687 à 1691 un voyage de recherches en Allemagne et en Italie pour écrire l’histoire de la maison de Brunswick, à l’invitation du duc Ernest-Auguste, son protecteur. L’Académie de Berlin lui doit sa fondation (1700), — et il en fut le premier président. Les quinze dernières années de sa vie furent principalement consacrées à la philosophie. C’est dans cette période qu’il faut placer les Nouveaux Essais, la Théodicée, la Monadologie, et enfin sa Correspondance avec Clarke, qui tut interrompue par sa mort, le 14 novembre 1716. — Voir, pour de plus amples développements, la savante et complète biographie de M.  Gubrauer ; 2 vol. in-12, Breslau, 1846.

  1. Lettre à Schulembourg (Dutens, t. III, p. 332) : « Recte cartesiani omnia phenomena specialia corporum per mecanismos contingere censent ; sed non satis perpexere, ipsos fontes mecanismi oriri ex altiore causa. » Lettre à Rémond de Montmort (Erdmann, Opera philosophica, p.702) : « Quand je cherchai les dernières raisons du mécanisme et des lois du mouvement, je fus surpris de voir qu’il était impossible de les trouver dans les mathématiques, et qu’il fallait retourner à la métaphysique. — Voyez encore : De Natura ipsa, 3. — De Origine radicali. — Animadversiones in Cartesium (Guhrauer, p. 80), etc.