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des idées

d’une même source, car nous pouvons ajouter dans notre esprit certaines longueurs de durée les unes aux autres aussi souvent qu’il nous plait.

Th. Mais pour en tirer la notion de l’éternité, il faut concevoir, de plus, que la même raison subsiste toujours pour aller plus loin. C’est cette considération des raisons qui achève la notion de l’infini ou de l’indélini dans les progrès possibles. Ainsi les sens seuls ne sauraient suffire à faire former ces notions. Et dans le fond on peut dire que l’idée de l’absolu est antérieur dans la nature des choses à celle des bornes qu’on ajoute. Mais nous ne remarquons la première qu’en commençant par ce qui est borné et qui frappe nos sens.

Chap. XV. — De la durée et de l’expansion considérées ensemble.

§ 4. Ph. On admet plus aisément une durée infinie du temps, qu’une expansion infinie du lieu, parce que nous concevons une durée infini en Dieu et que nous n’attribuons l’étendue qu’a la matière, qui est finie, et appelons les espaces, au delà de l’univers, imaginaires. Mais (§ 2) Salomon semble avoir d’autres pensées lorsqu’il dit en parlant de Dieu : les cieux et les cieux des cieux ne peuvent le contenir ; et je crois, pour moi, que celui-là se fait une trop haute idée de la capacité de son propre entendement, qui se figure de pouvoir étendre ses pensées plus loin que le lieu où Dieu existe.

Th. Si Dieu était étendu, il aurait des parties. Mais la durée n’en donne qu’à ses opérations. Cependant par rapport à l’espace, il faut lui attribuer l’immensité, qui donne aussi des parties et de l’ordre aux opérations immédiates de Dieu. Il est la source des possibilités comme des existences ; des unes par son essence, des autres par sa volonté. Ainsi l’espace comme le temps n’ont leur réalité que de lui, et il peut remplir le vide quand bon lui semble. C’est ainsi qu’il est partout a cet égard.

§ 11. Ph. Nous ne savons quels rapports les esprits ont avec l’espace, ni comment ils y participent. Mais nous savons qu’ils participent de la durée.

Th. Tous les esprits finis sont toujours joints à quelque corps organique, et ils se représentent les autres corps par rapport aun