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nouveaux essais sur l’entendement

leur. Ainsi leur rapport à l’espace est aussi manifeste que celui des corps. Au reste, avant de quitter cette matière, j’ajouterai une comparaison du temps et du lieu à celles que vous avez données ; c’est que, s’il y avait un vide dans l’espace (comme par exemple si une sphère était vide au dedans), on en pourrait déterminer la grandeur ; mais, s’il y avait dans le temps un vide, c’est-à-dire une durée sans changements, il serait impossible d’en déterminer la longueur, D’où vient qu’on peut réfuter celui qui dirait que deux corps entre lesquels il y a du vide se touchent ? Car deux pôles opposés d’une sphère vide ne ses auraient toucher, la géométrie le défend. Mais on ne pourrait point réfuter celui qui dirait que deux mondes dont l’un est après l’autre se touchent quant à la durée, en sorte que l’un commence nécessairement quand l’autre finit, sans qu’il y puisse avoir d’intervalle. On ne pourrait point le réfuter, dis-je, parce que cet intervalle est indéterminable. Si l’espace n’était qu’une ligne et si le corps était immobile, il ne serait point possible non plus de déterminer la longueur du vide entre deux corps.

Chap. XVI. — Du nombre.

§ 4. Ph. Dans les nombres, les idées sont et plus précises et plus propres à être distinguées les unes des autres que dans l’étendue, où on ne peut point observer ou mesurer chaque égalité et chaque excès de grandeur aussi aisément que dans les nombres, par la raison que dans l’espace nous ne saurions arriver par la pensée à une certaine petitesse déterminée au delà de laquelle nous ne puissions aller, telle qu’est l’unité dans le nombre.

Th. Cela se doit entendre du nombre entier, car autrement le nombre dans sa latitude, comprenant le sourd, le rompu et le transcendant [1] et tout ce qui se peut prendre entre deux nombres entiers est proportionnel à la ligne, et il y a la aussi peu de minimum que dans le continu. Aussi cette définition que le nombre est une

  1. Expressions de la langue mathématique scolastique, rarement employées aujourd’hui. Le sourd, c’est l’incommensurable, par ex.  ; le rompu, c’est la fraction, par ex. ½, ; le transcendant est ce qui ne peut pas être calculé par un nombre limité d’opérations arithmétiques, par ex. log. 3. Ces trois termes sont compris entre deux nombres entiers.