de réalité à la substance corporelle ; et ses réflexions personnelles le poussèrent bientôt plus avant dans cette voie.
Il est aussi digne de remarque, comme le dit M. Guhrauer dans sa Vie de Leibniz, que ce fut un problème théologique qui mit Leibniz sur la voie de la réforme de la notion de substance. Il s’agissait du problème de la présence réelle et de la transsubstantiation. Ce problème paraissait insoluble dans l’hypothèse cartésienne ; car, si. le corps consiste essentiellement dans l’étendue, il est contradictoire qu’un même corps puisse se trouver dans plusieurs lieux à la fois. Leibniz, écrivant à Arnault en 1671, lui apprenait qu’il croyait avoir trouvé la solution de ce grand problème, depuis qu’il avait découvert « que l’essence du corps ne consiste pas dans l’étendue, que même la substance corporelle prise en soi n’est pas étendue, et n’est pas assujettie aux conditions de l’étendue, ce qui eût été évident, si l’on eût découvert plus tôt en quoi consiste proprement la substance. »
Quoi qu’il en soit de ce point, voici les diverses considérations qui ont conduit Leibniz à admettre au delà du mécanisme corporel, des principes non mécaniques, et à réduire l’idée de corps à l’idée de substances actives indivisibles, entéléchies ou monades, ayant en elles-mêmes la raison innée de toutes leurs déterminations.
1° La première et principale raison que Leibniz invoqua contre Descartes, c’est que, « s’il n’y avait dans les corps que l’étendue et la situation des parties, deux corps en mouvement qui se rencontreraient et iraient toujours de compagnie après le concours, celui qui est en mouvement emporterait avec lui celui qui est en repos, sans recevoir aucune diminution de sa vitesse ; et sans que la différence de grandeur entre les deux corps pût rien changer » ; or c’est ce qui est contraire à l’expérience. Un corps en mouvement qui en rencontre un autre en repos perd quelque chose de sa vitesse, et est modifié dans sa direction : ce qui n’aurait pas lieu si le corps était purement passif. « Il faut donc joindre à l’étendue quelques notions supérieures, savoir celles de la subs-