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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/161

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des idées

Th. Dans le fond, les idées dont on vient de faire le dénombrement, sont composées. Celles des qualités sensibles ne tiennent leur rang parmi les idées simples, qu’à cause de notre ignorance, et les autres, qu’on connaît distinctement, n’y gardent leur place que par une indulgence qu’il vaudrait mieux ne point avoir. C’est à peu près comme à l’égard des axiomes vulgaires, qui pourraient être et qui mériteraient d’être démontrés parmi les théorèmes et qu’on laisse cependant passer pour axiomes, comme si c’étaient des vérités primitives. Cette indulgence nuit plus qu’on ne pense. Il est vrai qu’on n’est pas toujours en état de s’en passer.

§ 4. Ph. Si nous y prenons bien garde, les corps ne nous fournissent pas par le moyen des sens une idée aussi claire et aussi distincte de la puissance active, que celle que nous en avons par les réflexions que nous faisons sur les opérations de notre esprit. Il n’y a, je crois, que deux sortes d’actions, dont nous ayons l’idée, savoir penser et mouvoir. Pour ce qui est de la pensée, le corps ne nous en donne aucune idée, et ce n’est que par le moyen de la réflexion que nous l’avons. Nous n’avons non plus par le moyen du corps aucune idée du commencement du mouvement.

Th. Ces considérations sont fort bonnes, et quoiqu’on prenne ici la pensée d’une manière si générale, qu’elle comprend toute perception, je ne veux point contester l’usage des mots.

Ph. Quand le corps lui-même est en mouvement, ce mouvement est dans le corps une action plutôt qu’une passion. Mais, lorsqu’une boule de billard cède au choc du bâton, ce n’est point une action de la boule, mais une simple passion.

Th. Il y a quelque chose à dire là-dessus, car les corps ne recevraient point le mouvement dans le choc, suivant les lois qu’on y remarque, s’ils n’avaient déjà du mouvement en eux. Mais passons maintenant cet article.

Ph. De même, lorsqu’elle vient à pousser une autre boule qui se trouve sur son chemin et la met en mouvement, elle ne fait que lui communiquer le mouvement qu’elle avait reçu et en perd tout autant.

Th. Je vois que cette opinion erronée, que les cartésiens ont mise en vogue, comme si les corps perdaient autant de mouvement qu’ils en donnent, qui est détruite aujourd’hui par les expériences et par les raisons, et abandonnée même par l’auteur illustre de la Recherche de la vérité, qui a fait imprimer un petit discours tout exprès pour la rétracter, ne laisse pas de donner encore occasion