Aller au contenu

Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
nouveaux essais sur l’entendement

et de l’exercice aux casuistes et directeurs des consciences. C’est comme dans une lanterne magique, qui fait paraître des figures sur la muraille, à mesure qu’on tourne quelque chose au dedans. Mais notre esprit s’apercevant de quelque image qui lui revient peut dire : halte-là, et l’arrêter pour ainsi dire. De plus, l’esprit entre, comme bon lui semble, dans certaines progressions de pensées qui le mènent à d’autres. Mais cela s’entend quand les impressions internes ou externes ne prévalent point. Il est vrai qu’en cela les hommes diffèrent fort, tant suivant leur tempérament que suivant l’exercice qu’ils ont fait de leur empire, de sorte que l’un peut surmonter des impressions où l’autre se laisse aller.

§ 13. Ph. La nécessité a lieu partout où la pensée n’a aucune part. Et, lorsque cette nécessité se trouve dans un agent capable de volition et que le commencement ou la continuation de quelque action est contraire à la préférence de son esprit, je la nomme contrainte ; et, lorsque l’empêchement ou la cessation d’une action est contraire à la volition de cet agent, qu’on me permette de l’appeler cohibitions Quant aux agents qui n’ont absolument ni pensée ni volition, ce sont des agents nécessaires à tous égards.

Th. Il me semble qu’à proprement parler, quoique les volitions soient contingentes, la nécessité ne doit pas être opposée à la volition, mais à la contingence, comme j’ai déjà remarqué au § 9, et que la nécessité ne doit pas être confondue avec la détermination, car il n’y a pas moins de connexion ou de détermination dans les pensées, que dans les mouvements (être déterminé étant tout autre chose qu’être poussé ou forcé avec contrainte). Et, si nous ne remarquons pas toujours la raison qui nous détermine ou plutôt par laquelle nous nous déterminons, c’est que nous sommes aussi peu capables de nous apercevoir de tout le jeu de notre esprit et de ses pensées, le plus souvent imperceptibles et confuses, que nous sommes de démêler toutes les machines que la nature fait jouer dans le corps. Ainsi, si par la nécessité on entendait la détermination certaine de l’homme, qu’une parfaite connaissance de toutes les circonstances de ce qui se passe en dedans et au dehors de l’homme, pourrait faire prévoir à un esprit parfait, il est sûr que les pensées étant aussi déterminées que les mouvements qu’elles représentent, tout acte libre serait nécessaire. Mais il faut distinguer le nécessaire du contingent quoique déterminé ; et non seulement les vérités contingentes ne sont point nécessaires, mais encore leurs liaisons ne sont