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des idées

Th. Si les facultés essentielles ne sont que des relations, et n’ajoutent rien de plus à l’essence, les qualités et les facultés accidentelles ou sujettes au changement sont autre chose, et on peut dire de ces dernières que les unes dépendent souvent des autres dans l’exercice de leurs fonctions.

§ 21. Ph. La question ne doit pas être, à mon avis, si la volonté est libre, c’est parler d’une manière fort impropre, mais si l’homme est libre. Cela posé, je dis que, tandis que quelqu’un peut, par la direction ou le choix de son esprit, préférer l’existence d’une action à la non-existence de cette action et au contraire, c’est-à-dire qu’il peut faire qu’elle existe ou qu’elle n’existe pas selon qu’il veut, jusque-là il est libre. Et à peine pourrions-nous dire comment il serait possible de concevoir un être plus libre, qu’en tant qu’il est capable de faire ce qu’il veut ; de sorte que l’homme semble être aussi libre par rapport aux actions qui dépendent de ce pouvoir qu’il trouve en lui-même qu’il est possible à la liberté de le rendre libre, si j’ose m’exprimer ainsi.

Th. Quand on raisonne sur la liberté de la volonté ou sur le franc arbitre, on ne demande pas si l’homme peut faire ce qu’il veut, mais s’il a assez d’indépendance dans sa volonté même. On ne demande pas s’il a les jambes libres ou les coudées franches, mais s’il a l’esprit libre et en quoi cela consiste. À cet égard, une indulgence pourra être plus libre que l’autre, et la suprême intelligence sera dans une parfaite liberté dont les hommes ne sont point capables.

§ 23. Ph. Les hommes naturellement curieux et, qui aiment à éloigner autant qu’ils peuvent de leur esprit la pensée d’être coupables, quoique ce soit en se réduisant en un état pire que celui d’une fatale nécessité, ne sont pourtant point satisfaits de cela. À moins que la liberté ne s’étende encore plus loin, elle n’est pas à leur gré, et c’est à leur avis une fort bonne preuve que l’homme n’est point du tout libre, s’il n’a aussi bien la liberté de vouloir que celle de faire ce qu’il veut (§ 23). Sur quoi, je crois que l’homme ne saurait être libre par rapport à cet acte particulier de vouloir une action qui est en sa puissance, lorsque cette action a été une fois proposée à son esprit. La raison en est toute visible, car l’action dépendant de sa volonté, il faut de toute nécessité qu’elle existe ou qu’elle n’existe pas, et son existence ou sa non-existence ne pouvant manquer de suivre exactement la détermination et le choix de sa volonté, il