Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
nouveaux essais sur l’entendement

la puissance active est l’attribut propre des esprits, et la puissance passive celui des corps ? D’où l’on pourrait conjecturer que les esprits créés, étant actifs et passifs, ne sont pas totalement séparés de la matière, car l’esprit pur, c’est-à-dire Dieu, étant seulement actif, et la pure matière simplement passive, on peut croire que ces autres êtres, qui sont actifs et passifs tout ensemble, participent de l’un et de l’autre.

Ces pensées me reviennent extrêmement et donnent tout à fait dans mon sens, pourvu qu’on explique le mot d’esprit si généralement qu’il comprenne toutes les âmes, ou plutôt (pour parler encore plus généralement) toutes les entéléchies ou unités substantielles qui ont de l’analogie avec les esprits.

§ 31. Ph. Je voudrais bien qu’on me montrât dans la notion que nous avons de l’esprit, quelque chose de plus embrouillé ou qui approche plus de la contradiction que ce que renferme la notion même du corps, je veux parler de la divisibilité à l’infini.

Th. Ce que vous dites encore ici pour faire voir que nous entendons la nature de l’esprit autant ou mieux que celle du corps, est très vrai, et Fromondus[1] qui a fait un livre exprès de compositione continui a eu raison de l’intituler Labyrinthe. Mais cela vient d’une fausse idée qu’on a de la nature corporelle aussi bien que de l’espace.

§ 33. Ph. L’idée de Dieu même nous vient comme les autres, l’idée complexe que nous devons à Dieu étant composée des idées simples que nous recevons de la réflexion et que nous étendons par celle que nous avons de l’infini.

Th. Je me rapporte la-dessus à ce que j’ai dit en plusieurs endroits pour faire voir que toutes ces idées, et particulièrement celle de Dieu, sont en nous originairement et que nous ne faisons qu’y prendre garde, et que celle de l’infini surtout ne se forme point par une extension des idées finies.

§ 37. Ph. La plupart des idées simples qui composent nos idées complexes des substances, ne sont à les bien considérer que des puissances, quelque penchant que nous ayons à les prendre pour des qualités positives.

  1. Fromondus ou Froidmont, théologien liégeois, né à Haccourt, en 1587, mort à Louvain en 1653. On ne cite guère de lui que ses ouvrages théologiques. Cependant nous avons vu de lui un traité de Animá en 3 livres. Le Labyrinthus, sive de compositione continui a paru à Anvers (1631). P. J.