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des idées

revêtues et enrichies de quelques relations morales, comme, par exemple, les enfants ont droit de prétendre la portion légitime de la succession de leurs pères ou mères ; les personnes jeunes ont certaines sujétions, et les âgées ont certaines immunités. Cependant il arrive aussi qu’on prend pour des relations naturelles celles qui ne le sont pas ; comme, lorsque les lois disent que le père est celui qui a fait des noces avec la mère dans le temps qui fait que l’enfant lui peut être attribué ; et cette substitution de l’institut à la place du naturel n’est que présomption quelquefois, c’est-à-dire jugement qui fait passer pour vrai ce qui peut-être ne l’est pas, tant qu’on n’en prouve point la fausseté. Et c’est ainsi que la maxime : Pater est quem nuptiæ demonstrant est prise dans le droit romain et chez la plupart des peuples où elle est reçue. Mais on m’a dit qu’en Angleterre il ne sert de rien de prouver son alibi, pourvu qu’en ait été dans un des trois royaumes, de sorte que la présomption alors se change en fiction ou en ce que quelques docteurs appellent præsumptionem juris et de jure.

§ 4. Ph. Relation morale est la convenance ou dis convenance qui se trouve entre les actions volontaires des hommes et une règle qui fait qu’on juge si elles sont moralement bonnes ou mauvaises, § 5 ; et le bien moral ou le mal moral est la conformité ou l’opposition qui se trouve entre les actions volontaires et une certaine loi, ce qui nous attire du bien ou du mal (physique) par la volonté et puissance du législateur (ou de celui qui veut maintenir la loi), et c’est ce que nous appelons récompense et punition.

Th. Il est permis à des auteurs aussi habiles que celui dont vous représentez les sentiments, Monsieur, d’accommoder les termes comme ils le jugent à propos. Mais il est vrai aussi que, suivant cette notion, une même action serait moralement bonne et moralement mauvaise en même temps, sous de différents législateurs, tout comme notre habile auteur prenait la vertu ci-dessus pour ce qui est loué et par conséquent une même action serait vertueuse ou non, selon les opinions des hommes. Or, cela n’étant pas le sens ordinaire qu’on donne aux actions moralement bonnes et vertueuses, j’aimerais mieux pour moi prendre pour la mesure du bien moral et de la vertu la règle invariable de la raison, que Dieu s’est chargé de maintenir. Aussi peut-on être assuré que par son moyen tout bien moral devient physique, ou, comme parlaient les anciens, tout honnête est utile ; au lieu que, pour exprimer la notion de l’auteur, il faudrait