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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/244

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nouveaux essais sur l’entendement

d’une bête qui a la peau tachetée, qui est trop générale, et qui ne suffit point à distinguer le lynx, le léopard où la panthère, qu’on distingue pourtant par des noms particuliers.

Th. Quand nous serions dans l’état où fut Adam avant d’avoir donné des noms aux animaux, ce défaut ne, laisserait pas d’avoir lieu. Car, supposé qu’on sût que parmi les bÊtes tachetées il y en a une qui a la vue extrêmement pénétrante, mais qu’on ne sût point si c’est un tigre ou un lynx ou une autre espèce ; c’est une imperfection de ne pouvoir point la distinguer. Ainsi il ne s’agit pas tant du nom que de ce qui y peut donner sujet, et qui rend l’animal digne d’une dénomination particulière. Il paraît aussi par la que l’idée d’une bête tachetée est bonne en elle-même, et sans confusion et obscurité, lorsqu’elle ne doit servir que de genre ; mais lorsque, jointe à quelque autre idée dont on ne se souvient pas assez, elle doit désigner l’espèce, l’idée qui en est composée, est obscure et imparfaite.

§ 8. Ph. Il y a un défaut opposé lorsque les idées simples, qui forment l’idée composée, sont en nombre suffisant, mais trop confondues et embrouillées, comme il y a des tableaux qui paraissent aussi confus que s’ils ne devaient être que la représentation du ciel couvert de nuages, auquel cas aussi on ne dirait point qu’il y a de la confusion, non plus que si c’était un autre tableau fait pour imiter celui-la ; mais, lorsqu’on dit que ce tableau doit faire voir un portrait, on aura raison de dire qu’il est confus parce qu’on ne saurait dire si c’est celui d’un homme, ou d’un singe[1] ou d’un poisson, cependant il se peut que lorsqu’on le regarde dans un miroir cylindrique, la confusion disparaisse, et que l’on voie que c’est Jules César. Ainsi aucune des peintures mentales (si, j’ose m’exprimer ainsi) ne peut être appelée confuse de quelque manière que ses parties soient jointes ensemble ; car quelles que soient ces peintures, elles peuvent être distinguées évidemment de toute autre, jusqu’à ce qu’elles soient rangées sous quelque nom ordinaire, auquel on ne saurait voir qu’elles appartiennent plutôt qu’à quelque autre nom d’une signification différente.

Th. Ce tableau, dont on voit distinctement les parties, sans en remarquer le résultat, qu’en les regardant d’une certaine manière, ressemble à l’idée d’un tas de pierres, qui est véritablement confuse,

  1. Gehrardt : Signe.