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introduction

que par la présence d’un autre ; l’indifférence actuelle au mouvement et au repos, qui est ce qu’on appelle aujourd’hui inertie en mécanique, subsiste donc toujours, soit que l’on admette dans le corps une disposition virtuelle au mouvement, soit au contraire qu’on le considère comme absolument passif ; dans les deux cas, il faut une cause déterminante du mouvement ; il n’est pas nécessaire que cette cause première fasse tout dans l’être mû, et qu’elle soit en quelque sorte cause totale du mouvement, il suffit qu’elle en soit la cause complémentive, comme on disait en scolastique.

Il ne faut pas d’ailleurs confondre l’inertie avec l’inactivité absolue. Leibniz a admirablement démontré qu’une substance absolument passive serait un pur néant, qu’un être est actif en proportion de ce qu’il est, en un mot qu’être et agir ne font qu’un. Mais de ce qu’une substance est essentiellement active, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’elle soit douée de mouvement spontané ; car ce n’est là qu’un mode déterminé d’activité, et ce n’est pas le seul. La résistance, par exemple, ou l’impénétrabilité, est un certain degré d’activité, ce n’est pas un mouvement. Ceux-la donc se trompent qui croient que la théorie d’une matière active rend inutile une cause première du mouvement, et si le mouvement est essentiel à la matière, il restera toujours à expliquer pourquoi aucune portion de matière n’est jamais entrée spontanément en mouvement.

En résumé, suivant Leibniz, tout être est actif par essence. Ce qui n’agit pas n’existe pas : quod non agit non excistit. Or, tout ce qui agit est force. Tout est donc force ou composé de forces. L’essence de la matière n’est pas l’étendue inerte, comme le croyait Descartes, c’est l’action, l’effort, l’énergie. De plus, le corps est composé, et le composé suppose le simple. Les forces qui composent le corps sont donc des éléments simples, inétendus, des atomes incorporels. Ainsi l’univers est un vaste dynamisme, un savant système de forces individuelles, harmoniquement liées sous le gouvernement d’une force primordiale dont l’activité absolue