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nouveaux essais sur l’entendement

tivement dans le monde ; ce qui suffit au défaut de la raison, qui ferait connaître la réalité à priori en exposant la cause ou la génération possible de la chose définie. Il ne dépend donc pas de nous de joindre les idées comme bon nous semble, à moins que cette combinaison ne soit justifiée ou par la raison qui la montre possible, ou par l’expérience qui la montre actuelle, et par conséquent possible aussi. Pour mieux distinguer aussi l’essence et la définition, il faut considérer qu’il n’y a qu’une essence de la chose, mais qu’il y a plusieurs définitions qui expriment une même essence, comme la même structure ou la même ville peut être représentée par différentes scénographies, suivant les différents côtés dont on la regarde.

§ 18. Ph. Vous m’accorderez, je pense, que le réel et le nominal est toujours le même dans les idées simples et dans les idées des modes ; mais dans les idées des substances, ils sont toujours entièrement différents. Une figure, qui termine un espace par trois lignes, c’est l’essence du triangle, tant réelle que nominale ; car c’est non seulement l’idée abstraite à laquelle le nom général est attaché, mais l’essence ou l’être propre de la chose, ou le fondement d’où procèdent ses propriétés, et auquel elles sont attachées. Mais c’est tout autrement à l’égard de l’or. La constitution réelle de ses parties de laquelle dépendent la couleur, la pesanteur, la fusibilité, la fixité, etc., nous est inconnue, et, n’en ayant point l’idée, nous n’avons point de nom qui en soit le signe. Cependant ce sont ces qualités, qui font que cette matière est appelée de l’or, et sont son essence nominale, c’est-à-dire qui donne droit au nom.

Th. J’aimerais mieux de dire, suivant l’usage reçu, que l’essence de l’or est ce qui le constitue et qui lui donne ces qualités sensibles qui le font reconnaître et qui font sa définition nominale, au lieu que nous aurions la définition réelle et causale, si nous pouvions expliquer cette contexture ou constitution intérieure. Cependant la définition nominale se trouve ici réelle aussi, non par elle-même (car elle ne fait point connaître à priori la possibilité ou la génération du corps), mais par l’expérience, parce que nous expérimentons qu’il y a un corps, où ces qualités se trouvent ensemble : mais sans quoi on pourrait douter, si tant de pesanteur serait compatible avec tant de malléabilité, comme l’on peut douter jusqu’à présent si un verre malléable à froid est possible à la nature. Je ne suis pas au reste de votre avis, Monsieur, qu’il y a ici de la différence entre les idées des substances et les idées des prédicats comme si les défini-