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des mots

Th. Vous voyez donc, Monsieur, que le nom de l’or, par exemple, signifie non pas seulement ce que celui qui le prononce en connaît (par exemple, un jaune très pesant) ; mais encore ce qu’il ne connaît pas, qu’un autre en peut connaître, c’est-à-dire un corps doué d’une constitution interne, dont découle la couleur et la pesanteur et naissent encore d’autres propriétés qu’il avoue être mieux connues des experts.

§ 25. Ph. Il serait maintenant à souhaiter que ceux qui sont exercés dans les recherches physiques voulussent proposer les idées simples dans lesquelles ils observent que les individus de chaque espèce conviennent constamment. Mais, pour composer un dictionnaire de cette espèce qui contînt pour ainsi dire l’histoire naturelle, il faudrait trop de personnes, trop de temps, trop de peine et trop de sagacité pour qu’on puisse jamais espérer un tel ouvrage. Il serait bon cependant d’accompagner les mots de petites tailles-douces à l’égard des choses qu’on connaît par leur figure extérieure. Un tel dictionnaire servirait beaucoup à la postérité et épargnerait bien de la peine aux critiques futurs. De petites figures comme de l’ache (apium), d’un bouquetin (ibex, espèce de bouc sauvage), vaudraient mieux que de longues descriptions de cette plante ou de cet animal. Et pour connaître ce que les Latins appelaient strigiles et sistrum, tunica et pallium, des figures à la marge vaudraient incomparablement mieux que les prétendus synonymes, étrille, cymbale, robe, veste, manteau, qui ne les font guère connaître. Au reste je ne m’arrêterai pas sur le septième remède des abus des mots, qui est d’employer constamment le même terme dans le même sens, ou d’avertir quand on le change. Car nous en avons assez parlé.

Th. Le R. P. Grimaldi[1], président du tribunal des mathématiques à Pékin, m’a dit que les Chinois ont des dictionnaires accompagnés de figures. Il y a un petit nomenclateur, imprimé à Nuremberg, où il y a de telles figures à chaque mot, qui sont assez bonnes. Un tel dictionnaire universel figuré serait à souhaiter et ne serait pas fort difficile à faire. Quant à la description des espèces, c’est justement l’histoire naturelle ; et on y travaille peu à peu. Sans les guerres (qui ont troublé l’Europe depuis les premières fondations des sociétés ou académies royales), on serait allé loin et

  1. Grimaldi (Claudius, Philippe), jésuite distingué avec lequel Leibniz avait fait connaissance à Rouen.