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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/354

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nouveaux essais sur l’entendement

la contradictoire de l’autre prémisse soit vraie. Il est vrai que dans les écoles logiques on aime mieux se servir des conversions pour tirer les figures moins principales de la première, qui est la principal ; parce que cela paraît plus commode pour les écoliers. Mais pour ceux qui cherchent les raisons démonstratives, où il faut employer le moins de suppositions qu’on peut, on ne démontrera pas par la supposition de la conversion ce qui se peut démontrer par le seul principe primitif, qui est celui de la contradiction et qui ne suppose rien. J’ai même fait cette observation qui paraît remarquable : c’est que les seules figures moins principales qu’on appelle directes, savoir la seconde et la troisième, se peuvent démontrer par le principe de contradiction tout seul ; mais la figure moins principale indirecte, qui est la quatrième, et dont les Arabes attribuent l’invention à Galien[1], quoique nous n’en trouvions rien dans les ouvrages qui nous restent de lui, ni dans les autres auteurs grecs, la quatrième, dis-je, a ce désavantage qu’elle ne saurait être tirée de la première ou principale par cette méthode seule, et qu’il faut encore employer une autre supposition, savoir les conversions[2] ; de sorte qu’elle est plus éloignée d’un degré que la seconde et la troisième, qui sont de niveau, et également éloignées de la première ; au lieu que la quatrième a besoin encore de la seconde et de la troisième pour être démontrée, Car il se trouve fort à propos que les conversions mêmes dont elle a besoin, se démontrent par la figure seconde ou troisième, démontrables indépendamment des conversions ; comme je viens de faire voir. C’est Pierre de la Ramée qui fit déjà cette remarque de la démonstrabilité de la conversion par ces figures ; et (si je ne me trompe) il objecta le cercle aux logiciens qui se servent de la conversion pour démontrer ces figures, quoique ce n’était pas tant le cercle qu’il leur fallait objecter (car il ne se servaient point de ces figures à leur tour pour justifier les conversions) que l’hysteron proteron[3] ou le rebours, parce que les conver-

  1. Galien (Galenus), célèbre médecin de l’antiquité, né en 131 à Pergame. On ne sait ni le lieu ni l’époque de sa mort. Parmi ses nombreux ouvrages, celui qui intéresse le plus la philosophie est son célèbre De Usu partiam, de l’Usage des parties qui est une apologie et une application continuelle du principe des causes finales. La plus belle et la plus complète édition de Galien est la traduction grecque-latine de Kühn, Leipzig, 20 vol. in-8o, 1821-1833. M. Daremberg a commencé une traduction française dont 2 vol. sont parus (Paris, 1854-1856).
  2. La conversion des propositions à changer l’attribut en sujet, et réciproquement.
  3. Ὕστερον πρότερον, mettre avant ce qui est après.