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de la connaissance

X pour V, ou en prenant a pour b par mégarde, l’on en tire des conclusions fausses et contradictoires.

§ 19. Ph. Je croirais pour le moins que les maximes sont peu utiles, quand on a des idées claires et distinctes ; et d’autres veulent même qu’alors elles ne sont absolument de nul usage et prétendent que quiconque, dans ces rencontres, ne peut pas discerner la vérité et la fausseté sans ces sortes de maximes, ne pourra le faire par leur entremise ; et notre auteur (§ 16, 17) fait même voir qu’elles ne servent point à décider si un tel est homme ou non.

Th. Si les vérités sont fort simples et évidentes, et fort proches des identiques et des définitions, on n’a guère besoin d’employer expressément des maximes pour en tirer ces vérités, car, l’esprit les emploie virtuellement et fait sa conclusion tout d’un coup sans entrepôts. Mais, sans les axiomes et les théorèmes déjà connus, les mathématiciens auraient bien de la peine à avancer ; car dans les longues conséquences, il est bon de s’arrêter de temps en temps et de se faire comme des colonnes militaires au milieu du chemin, qui serviront encore aux autres à le marquer. Sans cela, ces longs chemins seront trop incommodes et paraîtront même confus et obscurs, sans qu’on y puisse rien discerner et relever que l’endroit où l’on est ; c’est aller sur mer sans compas dans une nuit obscure sans voir fond, ni rive, ni étoiles ; c’est marcher dans de vastes landes, où il n’y a ni arbres, ni collines, ni ruisseaux ; c’est aussi comme une chaîne à anneaux, destinée à mesurer des longueurs, où il y aurait quelques centaines d’anneaux semblables entre eux tout de suite, sans une distinction de chapelet, ou de plus gros grains, ou de plus grands anneaux, ou d’autres divisions, qui pourraient marquer les pieds, les toises, les perches, etc. L’esprit qui aime l’unité dans la multitude, joint donc ensemble quelques-unes des conséquences pour en former des conclusions moyennes, et c’est l’usage des maximes et des théorèmes. Par ce moyen, il y a plus de plaisir, plus de lumière, plus de souvenir, plus d’application et moins de répétition. Si quelque analyste ne voulait point supposer en calculant ces deux maximes géométriques, que le carré de l’hypoténuse est égal aux deux carrés des côtés de l’angle droit, et que les côtés correspondants des triangles semblables sont proportionnels, s’imaginant que, parce qu’on a la démonstration de ces cieux théorèmes par la liaison des idées qu’ils enferment, il pourrait s’en passer aisément en mettant les idées mêmes à leur place, il se trouvera fort éloigné