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de la connaissance

ζητουμένη la désirée ou qu’il cherchait, qui doit être, à l’égard des autres sciences théoriques, ce que la science de la félicité est aux arts dont elle a besoin, et ce que l’architecte est aux ouvriers. C’est pourquoi Aristote disait que les autres sciences dépendent de la métaphysique comme de la plus générale, et en devaient emprunter leurs principes, démontrés chez elle. Aussi faut-il savoir que la vraie morale est à la métaphysique ce que la pratique est à la théorie, parce que de la doctrine des substances en commun dépend la connaissance des esprits et particulièrement de Dieu et de l’âme, qui donne une juste étendue à la justice et à la vertu. Car, comme j’ai remarqué ailleurs, s’il n’y avait ni Providence ni vie future, le sage serait plus borne dans la pratique de la vertu ; car il ne rapporterait tout qu’à son contentement présent, et même ce contentement, qui paraît déjà chez Socrate, chez l’empereur Marc Antonin, chez Épictète[1] et autres anciens, ne serait pas si bien fondé toujours sans ces belles et grandes vues que l’ordre et l’harmonie de l’univers nous ouvrent jusque dans un avenir sans bornes ; autrement la tranquillité de l’âme ne sera que ce qu’on appelle patience par force, de sorte qu’on peut dire que la théologie naturelle, comprenant deux parties, la théorique et la pratique, contient tout à la fois la métaphysique réelle et la morale la plus parfaite.

§ 12. Ph. Voilà des connaissances, sans doute, qui sont bien éloignés d’être frivoles, ou purement verbales. Mais il semble que ces dernières sont celles où deux abstraits sont affirmés l’un de l’autre ; par exemple, que l’épargne est frugalité, que la gratitude est justice ; et quelque spacieuses que ces propositions et autres paraissent quelquefois du premier coup d’œil, cependant si nous en pressons la force, nous trouvons que tout cela n’emporte autre chose que la signification des termes.

Th. Mais les significations des termes, c’est-à-dire les définitions, jointes aux axiomes identiques, expriment les principes de toutes

  1. Antonin, Épictète, stoïciens romains du temps de l’empire. Épictète, né à Hieropolis en Phrygie, dans le premier siècle de notre ère, mort dans le milieu du second siècle ; il fut d’abord esclave, puis affranchi. Les deux ouvrages qui résument sa doctrine sont le Manuel et les Entretiens. La plus célèbre édition d’Épictète est celle de Schweighauser, grecque-latine, 15 vol. in-8o ; Leipzig, 1799-1801.

    M. Antonin ou Marc Aurèle, empereur, né à Rome l’an 221 avant J.-C., mort en 180 ; son seul ouvrage est le livre des Pensées. Schulz en a donné une édition in-8o à Sleswig, 1802. On a une trad. franç. de Dacier, 2 vol. in-12, Paris, 1691 ; de Joly, in-12 et in-8o, 1770 et 1813 ; de Pierron, gr. in-18, Paris, 1843 ; et de Barthélemy-Saint-Hilaire. 1876. P. J.