Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
405
de la connaissance

parties non pensantes, qu’on a déjà réfuté. §15. Que si quelque atome de matière pense seulement et que les autres parties, quoique également éternelles, ne pensent point, c’est dire gratis qu’une partie de la matière est infiniment au-dessus de l’autre-et produit les êtres pensants non éternels. § 16. Que si l’on veut que l’être pensant éternel et matériel est un certain amas particulier de matière, dont les parties sont non pensantes, nous retombons dans ce qui a été réfuté : car les parties de matière ont beau être jointes, elles n’en peuvent acquérir qu’une nouvelle relation locale, qui ne saurait leur communiquer la connaissance. § 17. Il n’importe si cet amas est en repos ou en mouvement. S’il est en repos, ce n’est qu’une masse sans action, qui n’a point de privilège sur un atome ; s’il est en mouvement, ce mouvement, qui le distingue d’autres parties, devant produire la pensée, toutes ces pensées seront accidentelles et limitées, chaque partie à part étant sans pensées et n’ayant rien qui règle ses mouvements. Ainsi il n’y aura ni liberté, ni choix, ni sagesse, non plus que dans la simple matière brute. § 18. Quelques-uns croiront que la matière est au moins coéternelle avec Dieu. Mais ils ne disent point pourquoi : la production d’un être pensant, qu’ils admettent, est bien plus difficile que celle de la matière qui est moins parfaite. Et peut-être (dit l’auteur), si nous voulions nous éloigner un peu des idées communes, donner l’essor à notre esprit et nous engager dans l’examen le plus profond que nous pourrions faire de la nature des choses, « nous pourrions en venir jusqu’à concevoir, quoique d’une manière imparfaite, comment la matière peut d’abord avoir été faite, et comment elle a commencé d’exister par le Pouvoir de ce premier être éternel. » Mais on verrait en même temps que de donner l’être à un esprit, c’est un effet de cette puissance éternelle et infinie, beaucoup plus malaisé à comprendre. Mais parce que cela m’écarterait peut-être trop (ajoute-t-il) « des notions, sur lesquelles la philosophie est présentement fondée dans le monde », je ne serais pas excusable de m’en éloigner si fort, ou de rechercher, autant que la grammaire le pourrait permettre, si dans le fond l’opinion communément établie est contraire à ce sentiment particulier ; j’aurais tort, dis-je, de m’engager dans cette discussion, surtout dans cet endroit de la terre, où la doctrine reçue est assez bonne pour mon dessein, puisqu’elle pose comme une chose indubitable que, si l’on admet une fois la création ou le commencement de quelque substance que ce soit, tirée du