Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/440

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
412
nouveaux essais sur l’entendement

substance nécessaire. C’est là où je trouve l’original des idées et des vérités qui sont gravées dans nos âmes, non pas en forme de propositions, mais comme des sources dont l’application et les occasions feront naître des énonciations actuelles.

Chap. XII. — Des moyens d’augmenter nos connaissances.

§ 1. Ph. Nous avons parlé des espèces de connaissance que nous avons. Maintenant venons aux moyens d’augmenter la connaissance ou de trouver la vérité. C’est une opinion reçue parmi les savants, que les maximes sont les fondements de toute connaissance, et que chaque science en particulier est fondée sur certaines choses déjà connues (præcognita). § 2. J’avoue que les mathématiques semblent favoriser cette méthode par leur bon succès, et vous avez assez appuyé là-dessus. Mais on doute encore si ce ne sont pas plutôt les idées qui y ont servi par leur liaison, bien plus que deux ou trois maximes générales qu’on a posées au commencement. Un jeune garçon connaît que son corps est plus grand que son petit doigt, mais non pas en vertu de cet axiome, que le tout est plus grand que sa partie. La connaissance a commencé par les propositions particulières ; mais depuis on a voulu décharger la mémoire, par le moyen des notions générales, d’un tas embarrassant d’idées particulières. Si le langage était si imparfait qu’il n’y eût point les termes relatifs, tout et partie, ne pourrait-on point connaître que le corps est plus grand que le doigt ? Au moins je vous présente les raisons de mon auteur, quoique je croie entrevoir ce que vous y pourrez dire en conformité de ce que vous avez déjà dit.

Th. Je ne sais pourquoi l’on en veut tant aux maximes pour les attaquer encore de nouveau ; si elles servent à décharger la mémoire de quantités d’idées particulières, comme on le reconnaît, elles doivent être fort utiles, quand elles n’auraient point d’autre usage. Mais j’ajoute qu’elles n’en naissent point, car on ne les trouve point par l’induction des exemples. Celui qui connaît que dix est plus que neuf, que le corps est plus grand que le doigt, et que la maison est trop grande pour pouvoir s’enfuir par la porte, connaît chacune de ces propositions particulières, par une même raison générale, qui y